Allons-nous Acheter notre Premier Catamaran?

Premier voyage en Normandie pour découvrir notre possible future maison. Nous en profitons pour nous faire un petit week-end en amoureux, autant joindre l’utile à l’agréable! Nous sommes tout excités à l’idée de cette rencontre, allons-nous avoir le coup de foudre? Allons-nous prendre nos jambes à notre cou? Ce voyage conditionne notre avenir et celui de notre famille…

Nous avons loué une chambre romantique dans un pigeonnier, et j’ai emporté avec moi mon accessoire indispensable, celui qui allait me valoir mon surnom, et qui se transmet de mère en fille : mon chapeau rose! Et oui dans la famille les femmes ont une tête à chapeaux, on a la classe ou on ne l’a pas.

 

Nous avons rendez-vous dans une zone industrielle déserte voire désertée, les routes sont remplies de nids de poules, les bâtiments taggés de tous les côtés, certains sont en ruine et abritent des squatteurs, et une multitude de camionnettes hors d’usage jalonnent le bord des routes; nous arrivons enfin devant le hangar désigné, quelques bateaux sont à quai dans le bassin de plaisance, nous apprendrons par la suite que cette zone est en fait une partie du port de Caen et qu’elle abrite les plus importants chantiers navals de la région. Notre contact arrive quelques minutes plus tard et nous voyons sortir de sa voiture un petit bonhomme d’une soixantaine d’années aux cheveux blancs, c’est le propriétaire du catamaran et il vient directement de Belgique.

Après les présentations d’usage il nous invite à le suivre et après avoir ouvert une grille grinçante nous nous avançons jusqu’à l’arrière d’un bâtiment de tôle pour découvrir le but de notre voyage, posé sur ses quilles et à la coque laissant apparaître différentes couleurs et matériaux sous sa peinture blanche. Le propriétaire (que nous appellerons Monsieur B.) nous explique qu’il est entreposé ici depuis 4 ans, soumis au éléments et en attente de travaux de finition. Je suis assez circonspecte devant l’état plus que délabré de cette coque (du moins c’est l’idée que je m’en fait sur le moment, n’y connaissant rien au nautisme et aux travaux s’y afférent). Monsieur mon mari quant à lui a les yeux qui brillent et je sais déjà qu’il a trouvé son bonheur, il fera son affaire du futur labeur dont il ne mesure bien sûr pas toute l’ampleur. D’ailleurs Monsieur B. , tout en nous faisant faire le tour du propriétaire, nous vante la facilité avec laquelle nous parviendrons à terminer cette embarcation :

« Ah mais vous avez déjà rénové plusieurs maisons? Vous êtes bricoleurs? Alors ça sera facile pour vous, vous verrez il n’y a plus grand’chose à faire, ici de l’enduit, là une couche de peinture, à l’intérieur vous avez déjà les meubles, si vous voulez je pourrais vous donner des conseils et un coup de main, votre histoire me plait, c’est un rêve que j’avais aussi avec ma femme, d’ailleurs vous voyez là j’avais prévu de mettre mon piano, ici un lave-vaisselle, là un lave-linge et vous voyez il y a même l’emplacement pour la table à repasser, j’ai tout prévu! »

Ce jour-là nous ne nous sommes pas posés la question de savoir ce qui avait fait couler son rêve, la seule question qui nous taraudait était : allions-nous acheter ce bateau, et si oui comment?

De retour en Alsace, le plan d’attaque fut établit, et nous entamions de longues tractations avec notre banque et de longues négociations avec Monsieur B., qui finalement n’était plus si sûr de vouloir nous vendre son précieux, étant en contact avec des hollandais un peu plus solvables que nous. Notre corps de ferme s’est révélé à ce moment-là un investissement sur lequel nous pouvions compter : nous l’avons mis simultanément en vente et en hypothèque pour contracter le prêt qui allait nous permettre d’acheter le catamaran « en l’état futur d’achèvement ». Nous avons pu compter sur le soutien incroyable de nos amis mettant leur maison en caution et de nos conseillères bancaires qui se sont battues avec nous et pour nous dans cette situation plus qu’atypique – en Alsace on achète plus facilement des voitures de luxe qu’un catamaran aussi cher qu’une maison, au siège régional de la banque ils n’avaient jamais vu ça!

Notre sésame pécunier en poche, nous nous sommes rendus en Belgique pour rencontrer à nouveau Monsieur B. et convenir des termes de la transaction. Plusieurs mois avaient passé depuis notre première rencontre, et malgré de nombreux échanges par mail et par téléphone nous ne savions toujours pas si l’affaire allait se conclure ou pas.  En effet selon les jours, Monsieur B. faisait souffler le chaud et le froid dans nos esprits déjà en pleine ébullition, nous entraînant même parfois dans des dimensions parallèles.

Après nous avoir accueillis chaleureusement, me saluant d’un « Madame Chapeau » réglementaire (mon surnom acquis lors de notre première entrevue), la rencontre s’avèra finalement infructueuse et nous repartions en Alsace la queue entre les jambes, non sans avoir fait provision de délicieux chocolats belges – eh oui encore une fois il faut savoir joindre l’utile à l’agréable!

Ce ne fut qu’après un an de pourparlers, nous faisant passer de l’état liquide à l’état gazeux en passant par l’état de transe que nous avons finalement signé devant notaire notre acte de propriété nautique, faisant de nous de futurs aventuriers des mers, ou plutôt devrai-je dire avec le recul de futurs galériens!

Cette année voué à l’achat de notre future demeure nous avait appris que rien n’est jamais acquis, mais nous étions loin de nous douter de tout ce que nous allions apprendre par la suite, tant au niveau technique qu’au niveau personnel….